Le roi des aulnes

Qui donc passe à cheval dans la nuit et le vent ?

               C’est le père avec son enfant.

               De son bras, crispé de tendresse,

               Contre sa poitrine il le presse,

               Et de la bise il le défend.

 

— « Mon fils, d’où vient qu’en mon sein tu frissonnes.

— Mon père... là... vois-tu le Roi des aulnes,

Couronne au front, avec un long manteau ?

Tiens ! Tiens ! — Mon fils, c’est un brouillard sur l’eau. »

 

               « Viens, cher enfant, suis-moi dans l’ombre ;

               Je t’apprendrai des jeux sans nombre ;

J’ai de magnifiques fleurs et des perles encor ;

Ma mère en son palais a de beaux habits d’or ! »

 

— N’entends-tu point, mon père (oh ! que tu te dépêches !)

Ce que le Roi murmure et me promet tout bas ?

— Endors-toi, mon cher fils, et ne t’agite pas ;

C’est le vent qui bruit parmi les feuilles sèches. »

 

— « Veux-tu venir, mon bel enfant ? oh ! ne crains rien !

Mes filles, tu verras, te soigneront si bien !

               La nuit, mes filles blondes

               Mènent les molles rondes...

               Elles te berceront,

               Danseront, chanteront !...  »

 

— « Mon père, dans les brumes grises

Vois ses filles en cercle assises !

— Mon fils, mon fils, j’aperçois seulement

Les saules gris au bord des flots dormant. » 

 

— « Je t’aime, toi... je suis attiré par ta grâce !

Viens, viens donc ! un refus pourrait t’être fatal ! »

— « Ah ! mon père, mon père ! il me prend... il m’embrasse.

               Le Roi des aulnes m’a fait mal ! »

 

Et serrant de plus près son enfant qui sanglote...

Le père alors frémit et galope plus fort.

Il touche au vieux manoir, son manteau s’ouvre et flotte...

               L’enfant, dans ses bras, était mort !

Référence bibliographique

Deschamps, Émile, « Le Roi des aulnes », Œuvres musicales de Schubert, 1841.

 

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